LaughingCorpse

Méandres

Lundi 1er octobre 2012 à 4:29

http://laughingcorpse.cowblog.fr/images/f3549f5b.jpg

Sur le brumeux rivage d'un fleuve en perdition déambule une kyrielle d'âmes en peine. Elles se meuvent d'une même foulée, lente et étouffée, silencieuses. C'est une curieuse procession, un énigmatique spectacle qui s'offre à mes yeux ébahis. Sur la rive en contre-pied je reste coite, pantelante, totalement obnubilée. J'en viens même à perdre de vue les raisons de ma présence en ces lieux si lugubres.

L'une des pâles silhouettes évoluant au sein de la foule captive subitement mon regard. Une délicate brise anime sa chevelure de geai et fait virevolter avec légèreté le tissu de sa longue robe d'un blanc immaculé. Ainsi, semblant danser au milieu des êtres qui, comme elle, affichent une expression latente et un regard éteint, l'âme fanée poursuit son chemin. A un moment donné, comme si elle s'était sentie la cible de mon attention, elle avait interrompu sa marche et s'était tournée avec lenteur dans ma direction. Les autres étaient passés devant elle sans la voir, calqués sur le pas de ceux qui les précédaient. Dans la seconde où elle se focalisa sur moi, je pus ressentir tout le vide qu'elle portait en elle, composante de chaque particule de son être, se déverser au plus profond de mes chairs à la manière d'un torrent d'eau glacée. Elle s'emparait ainsi de moi, s'insinuant sans vergogne par tous les pores de ma peau, se lovant dans les recoins les plus obscurs et les plus inaccessibles de mon âme. Dès lors, la moindre petite miette de bonheur ancrée dans mes cellules et mes tissus fut aspirée avec force. Ma personne devenait sienne à mesure que chacune de mes défenses se dissolvait sous les fougueux assauts de sinistres pensées et souvenirs qui ne m'appartenaient pas. Des images paralysaient mon esprit, terribles, douloureuses, insoutenables.

Brisée et aliénée, j'abdiquai, laissant à ma dépouille la charge de répondre aux moindres désirs et exigences de celle qui avait fait de moi sa soumise. Ce qui subsistait encore de ma personne ondoya alors lentement jusqu'au rivage opposé pour venir se fondre dans la masse que formaient les autres âmes. Aucune ne sembla remarquer mon arrivée. Ne pouvant que suivre le pas, je me retrouvai à côté de celle dont j'avais croisé le regard un instant auparavant. D'un geste du menton elle désigna l'autre rive au bord de laquelle je pus discerner les vagues contours d'un corps gisant au sol, inanimé. Sur ces entrefaites, elle me prit par la main et, dans un murmure pareil à celui du vent dans les feuillages d'un arbre, me souffla « Tout ira bien. ».


Jeudi 2 août 2012 à 0:00

http://laughingcorpse.cowblog.fr/images/bougiec3a9teinteprovocationsanomaliescontradictions.jpg

L'épidermique à l'extérieur s'enflamme, vibrant et enthousiaste, ardent et enfiévré, travestissant l'amarescent et l'élégiaque qui profondément dans la chair s'installent, symptomatiques, révélateurs déterminants, divulgateurs éloquents d'un trouble fonctionnel en perpétuelle évolution. Absurdes et infécondes tentatives d'amélioration, de correction d'une maladie classifiée comme incurable. L'heure est à l'agonie. Absorption de pilules colorées, narcotiques pour une insondable et nébuleuse errance au pays du noir, du blanc et de l'atone. Emprisonnement d'un esprit et d'une âme depuis longtemps déjà enchaînés à la mort. Procédure défectueuse, irruption fortuite d'une affection aiguë généralisée, déchirures internes et lésions confinées. Empoisonnement graduel, nécrose décomposant l'ensemble des tissus avec une infinie lenteur, pareille à une voluptueuse caresse. Trépas.


© LaughingCorpse

 

 

 



Mardi 12 juin 2012 à 15:45

http://laughingcorpse.cowblog.fr/images/dyn010original500374pjpeg2600774675902f57a61d6fed5cee4bd5bceb484.jpgAprès des mois à essayer de pondre quelque chose de valable, après des mois à essayer de terminer des textes et à finir par m'arracher les cheveux dessus... Pas du grand art, mais juste parce que ça fait tellement de bien d'écrire quelque chose à nouveau.

Ce lundi, Eliza avait été une enfant-pluie, peut-être même L'enfant-pluie. Elle trottinait en direction de la sortie du centre commercial, le sac chargé de victuailles lorsqu'elle s'arrêta. Devant les portes automatiques s'amassait une foule d'individus bloquant le passage et, sur le moment, perdue dans le flot de ses pensées, elle n'en comprit pas le pourquoi. Elle s'imagina que quelqu'un avait du faire un malaise ou quelque chose du même ordre, jusqu'à ce qu'elle lève les yeux du sol sur lequel elle avait l'habitude de fixer son regard lorsqu'elle marchait. Elle vit alors qu'à l'extérieur, le soleil avait fait place à une pluie torrentielle. Ce spectacle effaça les cogitations dans lesquelles baignait encore son esprit quelques minutes auparavant. La jeune femme se retint de courir jusqu'à la sortie, pressant néanmoins le pas de façon sans doute imperceptible pour les personnes qui l'entouraient, absorbées dans leurs discussions, commentant le brusque changement de temps. Eliza jubilait, trépignait d'impatience et d'excitation à l'idée de ressentir la fraîcheur de la pluie envelopper tout son corps. Elle avait hâte de prendre conscience de chacune des gouttes froides qui rouleraient sur sa peau et dévaleraient la pente de sa nuque, s'accrochant au passage à ses lèvres, à ses cheveux comme des perles faites d'un cristal d'une valeur inestimable. Une fois dehors, martelée par la pluie, elle s'efforça de dissimuler le large sourire qui éclairait son visage. Elle était heureuse et marcha sans se presser en direction de l'arrêt du bus qui devait la ramener chez elle. Sur son chemin, elle rencontra des individus presque collés les uns aux autres, tentant tant bien que mal de se protéger de l'averse. Elle sentait leurs regards, peut-être incrédules, se poser sur elle, sur ses bras nus et ses vêtements trempés. Elle passa devant eux sans les voir, trop occupée à se retenir de sauter dans les flaques d'eau comme une espiègle enfant. Eliza se sentait heureuse, vivante. Exceptées les silhouettes amassées dans les recoins les plus abrités, la rue était vide, comme si elle lui appartenait. Dans cet état d'esprit, le pas traînant pour savourer au maximum ces précieux instants, elle atteignit le bus en stationnement et grimpa à l'intérieur. Elle se posta devant une large fenêtre et observa les gouttelettes sur la vitre.

Lorsqu'elle était enfant, elle s'imaginait que les perles d'eau se disputaient une course acharnée, la victoire revenant à celle qui, la première, aurait atteint le bas de la fenêtre. Intérieurement elle les encourageait et ne cessait de s'émerveiller devant ce fascinant spectacle qui gagnait en magie lorsqu'il se déroulait sur les vitres d'une voiture lancée sur l'autoroute.

Dehors, le tonnerre grondait, déversant sa fureur sur l’asphalte. Eliza pensa un temps à descendre du bus pour rentrer à pieds jusque chez elle. Les douloureux tiraillements qu'exerçait sur ses épaules son sac à dos plein à craquer et que, l'espace d'un moment elle avait oubliés, la rappelèrent à l'ordre. Sur la route, les véhicules n'avançaient pas et la jeune femme voyait bien que le débit de l'eau, à son plus grand désarroi, commençait à ralentir. Le soleil revenait. Lorsqu'elle descendit du bus, la pluie avait cessé de tomber. Déçue, l'enfant-pluie regagna sa maison et sa vie monotone.


© LaughingCorpse


Samedi 25 février 2012 à 14:00

http://laughingcorpse.cowblog.fr/images/rien58.gif

Le syndrome de la page blanche.: affection redoutée de tous. Ecrivains , journalistes et j’en passe. Je pensais que jamais cela ne pourrait m’atteindre, et pourtant… Me voici face à ma feuille, le stylo à la main, mais voila: comme depuis des mois maintenant, plus rien ne se passe, et je sens l’inquiétude m’envahir chaque fois un peu plus. Les idées ne manquent pas cependant. Les mots en revanche... Je ne parviens plus à coucher sur papier mes sentiments les plus dérisoires, mes pensées les plus sommaires. Tout ce qui se libère de ma plume ne vaut rien, un ramassis d’absurdités bonnes à jeter.

Je finis par faire des boulettes de ces phrases sans queue ni tête et me retrouve à nouveau nez à nez avec cette page blanche. L’angoisse s’est maintenant installée et nul ne pourra la déloger. Des images virevoltent dans mon cerveau, tout est flou. Je tente d’en extraire une au hasard, de la doter d’une forme mais mon esprit se projette ailleurs. La feuille demeure éternellement blanche. Je commence à douter de moi, de mes capacités d‘auteur. Peut-être ne suis-je pas à la hauteur, peut-être n’ai-je aucun talent.

Et cette foutue page vierge qui me nargue! Plus je l’observe et plus j’ai peur, peur de ce vide, peur de ne plus pouvoir m‘exprimer. Je pense à tous ces fragments de conscience, inachevés, qui attendent sagement dans un coin d’être terminés. L’inspiration ne vient plus et les feuillets s’amoncellent jusqu’à, pour certains, sombrer dans l’oubli. Je n’y arrive plus…

J’entends des voix qui ricanent et qui, d’un ton narquois, scandent inlassablement : «  la page est vide, la page est vide! » Je les somme de se taire et me bouche les oreilles, mais elles poursuivent leur infernale litanie, de plus en plus vite, de plus en plus fort. Je quitte la pièce mais rien n’y fait. Le son semble comme amplifié. Leur chant résonne dans ma tête encore et encore. Je me frappe le crâne contre les murs, en vain. Je vais devenir fou. Etre les témoins de ma déchéance semble redoubler leur excitation. Je me mutile le visage et le torse dans un élan de désespoir, arrache rageusement mes vêtements. Puis soudain je m’effondre, à demi nu et éclate en sanglots. Les voix persistent dans leur rengaine. Je les conjure de me laisser en paix mais elles semblent ne rien vouloir entendre. Je craque. Me redressant d’un bond, j’ouvre la fenêtre et m’élance dans le vide. Les étages défilent, les voix jusqu’à la fin m’accompagnent. Je souris, je n’ai plus peur. Tout sera bientôt terminé. La page blanche, emportée par un courant d’air, tournoie à mes côtés. Rouge.

© LaughingCorpse

 

 

 


Samedi 25 février 2012 à 13:56

http://laughingcorpse.cowblog.fr/images/964461030small.jpg
 
Partir. Au fur et à mesure que les jours se fanent, ce besoin d’évasion se fait plus ardent. On patiente, on rêve, attente, espérance. Partir. On brûle de vagabonder, de s’évader du cocon familial qui nous musèle, de déserter cette ville minuscule dont on connait chaque recoin, cette existence grisâtre dont on n’attend plus rien. On a soif d’indépendance, de liberté, d’immensité; soif de la vision d’un nouvel horizon le matin, quand on ouvre les volets. Partir. Enfin l’opportunité se manifeste. La joie n’est cependant que de courte durée. Notre conscience se retrouve confrontée à des conséquences qu’elle avait jusque là occultées. Les répercussions d’un départ apparaissent à nos yeux, encore emplis , un peu plus tôt, de candides rêveries; la lumière se fait dans notre esprit. Partir, c’est se séparer de ses amis, renoncer à la sécurité d’un monde qu’on possédait , d’une certaine façon, pour s’abandonner à l’inconnu. La panique et les incertitudes nous assaillent, notre sommeil se fait de plus en plus tourmenté à mesure que la date fatidique dangereusement s’approche. On enterre la belle idée de voyage, les grands espaces peuvent bien attendre après tout. On implore, on supplie, n’importe qui, n’importe quoi, on ne rêve que de l’échec du départ impatiemment espéré. Mais la fatalité , ou que sais-je encore, en a décidé autrement. Nous voila trimant sur l’asphalte, diamétralement terrifiés, les entrailles douloureusement contractées par l’angoisse, et autres sensations du même acabit. Les kilomètres défilent, l’inconnu qu’on avait tant imaginé peu à peu se dessine. On y jette un oeil, toutefois dans nos yeux ne scintille plus cette étincelle de fascination curieuse qui, quelques mois auparavant, nous habitait. Cette nouvelle réalité nous semble morne et sans attrait, bien au contraire les déceptions s’enchainent. La neurasthénie emménage progressivement dans notre âme tandis que les cartons doucement s’amoncèlent. On revisite en pensée tout ce qu’on a quitté, si loin à présent, on se dit que la vie là-bas n’était peut-être pas si mal.
Arrive l’opportunité d’un retour de courte durée en ce lieu désormais cher à nos yeux. Rien ne semble plus pareil: on savoure la moindre parcelle sur laquelle se pose notre regard: on redécouvre. Cet endroit se pare de nouvelles facettes, de visages insoupçonnés. On est déterminé à ne plus jamais fuir. Hélas!
Le dualisme de l’Homme.
© LaughingCorpse

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | Page suivante >>

Créer un podcast