LaughingCorpse - MéandresCi-git LaughingCorpse.Cowbloghttp://laughingcorpse.cowblog.frMon, 01 Oct 2012 04:29:22 +0200180Pantin de Chair (2012)Mon, 01 Oct 2012 04:29:00 +0200Mon, 01 Oct 2012 04:29:00 +0200http://laughingcorpse.cowblog.fr/pantin-de-chair-2012-3209228.htmlLaughingCorpsehttp://laughingcorpse.cowblog.fr/images/f3549f5b.jpg

Sur le brumeux rivage d'un fleuve en perdition déambule une kyrielle d'âmes en peine. Elles se meuvent d'une même foulée, lente et étouffée, silencieuses. C'est une curieuse procession, un énigmatique spectacle qui s'offre à mes yeux ébahis. Sur la rive en contre-pied je reste coite, pantelante, totalement obnubilée. J'en viens même à perdre de vue les raisons de ma présence en ces lieux si lugubres.

L'une des pâles silhouettes évoluant au sein de la foule captive subitement mon regard. Une délicate brise anime sa chevelure de geai et fait virevolter avec légèreté le tissu de sa longue robe d'un blanc immaculé. Ainsi, semblant danser au milieu des êtres qui, comme elle, affichent une expression latente et un regard éteint, l'âme fanée poursuit son chemin. A un moment donné, comme si elle s'était sentie la cible de mon attention, elle avait interrompu sa marche et s'était tournée avec lenteur dans ma direction. Les autres étaient passés devant elle sans la voir, calqués sur le pas de ceux qui les précédaient. Dans la seconde où elle se focalisa sur moi, je pus ressentir tout le vide qu'elle portait en elle, composante de chaque particule de son être, se déverser au plus profond de mes chairs à la manière d'un torrent d'eau glacée. Elle s'emparait ainsi de moi, s'insinuant sans vergogne par tous les pores de ma peau, se lovant dans les recoins les plus obscurs et les plus inaccessibles de mon âme. Dès lors, la moindre petite miette de bonheur ancrée dans mes cellules et mes tissus fut aspirée avec force. Ma personne devenait sienne à mesure que chacune de mes défenses se dissolvait sous les fougueux assauts de sinistres pensées et souvenirs qui ne m'appartenaient pas. Des images paralysaient mon esprit, terribles, douloureuses, insoutenables.

Brisée et aliénée, j'abdiquai, laissant à ma dépouille la charge de répondre aux moindres désirs et exigences de celle qui avait fait de moi sa soumise. Ce qui subsistait encore de ma personne ondoya alors lentement jusqu'au rivage opposé pour venir se fondre dans la masse que formaient les autres âmes. Aucune ne sembla remarquer mon arrivée. Ne pouvant que suivre le pas, je me retrouvai à côté de celle dont j'avais croisé le regard un instant auparavant. D'un geste du menton elle désigna l'autre rive au bord de laquelle je pus discerner les vagues contours d'un corps gisant au sol, inanimé. Sur ces entrefaites, elle me prit par la main et, dans un murmure pareil à celui du vent dans les feuillages d'un arbre, me souffla « Tout ira bien. ».


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Dissolution (2012)Thu, 02 Aug 2012 00:00:00 +0200Thu, 02 Aug 2012 00:00:00 +0200http://laughingcorpse.cowblog.fr/dissolution-2012-3198733.htmlLaughingCorpse

L'épidermique à l'extérieur s'enflamme, vibrant et enthousiaste, ardent et enfiévré, travestissant l'amarescent et l'élégiaque qui profondément dans la chair s'installent, symptomatiques, révélateurs déterminants, divulgateurs éloquents d'un trouble fonctionnel en perpétuelle évolution. Absurdes et infécondes tentatives d'amélioration, de correction d'une maladie classifiée comme incurable. L'heure est à l'agonie. Absorption de pilules colorées, narcotiques pour une insondable et nébuleuse errance au pays du noir, du blanc et de l'atone. Emprisonnement d'un esprit et d'une âme depuis longtemps déjà enchaînés à la mort. Procédure défectueuse, irruption fortuite d'une affection aiguë généralisée, déchirures internes et lésions confinées. Empoisonnement graduel, nécrose décomposant l'ensemble des tissus avec une infinie lenteur, pareille à une voluptueuse caresse. Trépas.


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L'enfant-pluie (2012)Tue, 12 Jun 2012 15:45:00 +0200Tue, 12 Jun 2012 15:45:00 +0200http://laughingcorpse.cowblog.fr/l-enfant-pluie-2012-3190313.htmlLaughingCorpseAprès des mois à essayer de pondre quelque chose de valable, après des mois à essayer de terminer des textes et à finir par m'arracher les cheveux dessus... Pas du grand art, mais juste parce que ça fait tellement de bien d'écrire quelque chose à nouveau.

Ce lundi, Eliza avait été une enfant-pluie, peut-être même L'enfant-pluie. Elle trottinait en direction de la sortie du centre commercial, le sac chargé de victuailles lorsqu'elle s'arrêta. Devant les portes automatiques s'amassait une foule d'individus bloquant le passage et, sur le moment, perdue dans le flot de ses pensées, elle n'en comprit pas le pourquoi. Elle s'imagina que quelqu'un avait du faire un malaise ou quelque chose du même ordre, jusqu'à ce qu'elle lève les yeux du sol sur lequel elle avait l'habitude de fixer son regard lorsqu'elle marchait. Elle vit alors qu'à l'extérieur, le soleil avait fait place à une pluie torrentielle. Ce spectacle effaça les cogitations dans lesquelles baignait encore son esprit quelques minutes auparavant. La jeune femme se retint de courir jusqu'à la sortie, pressant néanmoins le pas de façon sans doute imperceptible pour les personnes qui l'entouraient, absorbées dans leurs discussions, commentant le brusque changement de temps. Eliza jubilait, trépignait d'impatience et d'excitation à l'idée de ressentir la fraîcheur de la pluie envelopper tout son corps. Elle avait hâte de prendre conscience de chacune des gouttes froides qui rouleraient sur sa peau et dévaleraient la pente de sa nuque, s'accrochant au passage à ses lèvres, à ses cheveux comme des perles faites d'un cristal d'une valeur inestimable. Une fois dehors, martelée par la pluie, elle s'efforça de dissimuler le large sourire qui éclairait son visage. Elle était heureuse et marcha sans se presser en direction de l'arrêt du bus qui devait la ramener chez elle. Sur son chemin, elle rencontra des individus presque collés les uns aux autres, tentant tant bien que mal de se protéger de l'averse. Elle sentait leurs regards, peut-être incrédules, se poser sur elle, sur ses bras nus et ses vêtements trempés. Elle passa devant eux sans les voir, trop occupée à se retenir de sauter dans les flaques d'eau comme une espiègle enfant. Eliza se sentait heureuse, vivante. Exceptées les silhouettes amassées dans les recoins les plus abrités, la rue était vide, comme si elle lui appartenait. Dans cet état d'esprit, le pas traînant pour savourer au maximum ces précieux instants, elle atteignit le bus en stationnement et grimpa à l'intérieur. Elle se posta devant une large fenêtre et observa les gouttelettes sur la vitre.

Lorsqu'elle était enfant, elle s'imaginait que les perles d'eau se disputaient une course acharnée, la victoire revenant à celle qui, la première, aurait atteint le bas de la fenêtre. Intérieurement elle les encourageait et ne cessait de s'émerveiller devant ce fascinant spectacle qui gagnait en magie lorsqu'il se déroulait sur les vitres d'une voiture lancée sur l'autoroute.

Dehors, le tonnerre grondait, déversant sa fureur sur l’asphalte. Eliza pensa un temps à descendre du bus pour rentrer à pieds jusque chez elle. Les douloureux tiraillements qu'exerçait sur ses épaules son sac à dos plein à craquer et que, l'espace d'un moment elle avait oubliés, la rappelèrent à l'ordre. Sur la route, les véhicules n'avançaient pas et la jeune femme voyait bien que le débit de l'eau, à son plus grand désarroi, commençait à ralentir. Le soleil revenait. Lorsqu'elle descendit du bus, la pluie avait cessé de tomber. Déçue, l'enfant-pluie regagna sa maison et sa vie monotone.


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Rien (2010)Sat, 25 Feb 2012 14:00:00 +0100Sat, 25 Feb 2012 14:00:00 +0100http://laughingcorpse.cowblog.fr/rien-2010-3170113.htmlLaughingCorpsehttp://laughingcorpse.cowblog.fr/images/rien58.gif

Le syndrome de la page blanche.: affection redoutée de tous. Ecrivains , journalistes et j’en passe. Je pensais que jamais cela ne pourrait m’atteindre, et pourtant… Me voici face à ma feuille, le stylo à la main, mais voila: comme depuis des mois maintenant, plus rien ne se passe, et je sens l’inquiétude m’envahir chaque fois un peu plus. Les idées ne manquent pas cependant. Les mots en revanche... Je ne parviens plus à coucher sur papier mes sentiments les plus dérisoires, mes pensées les plus sommaires. Tout ce qui se libère de ma plume ne vaut rien, un ramassis d’absurdités bonnes à jeter.

Je finis par faire des boulettes de ces phrases sans queue ni tête et me retrouve à nouveau nez à nez avec cette page blanche. L’angoisse s’est maintenant installée et nul ne pourra la déloger. Des images virevoltent dans mon cerveau, tout est flou. Je tente d’en extraire une au hasard, de la doter d’une forme mais mon esprit se projette ailleurs. La feuille demeure éternellement blanche. Je commence à douter de moi, de mes capacités d‘auteur. Peut-être ne suis-je pas à la hauteur, peut-être n’ai-je aucun talent.

Et cette foutue page vierge qui me nargue! Plus je l’observe et plus j’ai peur, peur de ce vide, peur de ne plus pouvoir m‘exprimer. Je pense à tous ces fragments de conscience, inachevés, qui attendent sagement dans un coin d’être terminés. L’inspiration ne vient plus et les feuillets s’amoncellent jusqu’à, pour certains, sombrer dans l’oubli. Je n’y arrive plus…

J’entends des voix qui ricanent et qui, d’un ton narquois, scandent inlassablement : «  la page est vide, la page est vide! » Je les somme de se taire et me bouche les oreilles, mais elles poursuivent leur infernale litanie, de plus en plus vite, de plus en plus fort. Je quitte la pièce mais rien n’y fait. Le son semble comme amplifié. Leur chant résonne dans ma tête encore et encore. Je me frappe le crâne contre les murs, en vain. Je vais devenir fou. Etre les témoins de ma déchéance semble redoubler leur excitation. Je me mutile le visage et le torse dans un élan de désespoir, arrache rageusement mes vêtements. Puis soudain je m’effondre, à demi nu et éclate en sanglots. Les voix persistent dans leur rengaine. Je les conjure de me laisser en paix mais elles semblent ne rien vouloir entendre. Je craque. Me redressant d’un bond, j’ouvre la fenêtre et m’élance dans le vide. Les étages défilent, les voix jusqu’à la fin m’accompagnent. Je souris, je n’ai plus peur. Tout sera bientôt terminé. La page blanche, emportée par un courant d’air, tournoie à mes côtés. Rouge.

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Racines (2009)Sat, 25 Feb 2012 13:56:00 +0100Sat, 25 Feb 2012 13:56:00 +0100http://laughingcorpse.cowblog.fr/racines-2009-3170111.htmlLaughingCorpsehttp://laughingcorpse.cowblog.fr/images/964461030small.jpg
  Partir. Au fur et à mesure que les jours se fanent, ce besoin d’évasion se fait plus ardent. On patiente, on rêve, attente, espérance. Partir. On brûle de vagabonder, de s’évader du cocon familial qui nous musèle, de déserter cette ville minuscule dont on connait chaque recoin, cette existence grisâtre dont on n’attend plus rien. On a soif d’indépendance, de liberté, d’immensité; soif de la vision d’un nouvel horizon le matin, quand on ouvre les volets. Partir. Enfin l’opportunité se manifeste. La joie n’est cependant que de courte durée. Notre conscience se retrouve confrontée à des conséquences qu’elle avait jusque là occultées. Les répercussions d’un départ apparaissent à nos yeux, encore emplis , un peu plus tôt, de candides rêveries; la lumière se fait dans notre esprit. Partir, c’est se séparer de ses amis, renoncer à la sécurité d’un monde qu’on possédait , d’une certaine façon, pour s’abandonner à l’inconnu. La panique et les incertitudes nous assaillent, notre sommeil se fait de plus en plus tourmenté à mesure que la date fatidique dangereusement s’approche. On enterre la belle idée de voyage, les grands espaces peuvent bien attendre après tout. On implore, on supplie, n’importe qui, n’importe quoi, on ne rêve que de l’échec du départ impatiemment espéré. Mais la fatalité , ou que sais-je encore, en a décidé autrement. Nous voila trimant sur l’asphalte, diamétralement terrifiés, les entrailles douloureusement contractées par l’angoisse, et autres sensations du même acabit. Les kilomètres défilent, l’inconnu qu’on avait tant imaginé peu à peu se dessine. On y jette un oeil, toutefois dans nos yeux ne scintille plus cette étincelle de fascination curieuse qui, quelques mois auparavant, nous habitait. Cette nouvelle réalité nous semble morne et sans attrait, bien au contraire les déceptions s’enchainent. La neurasthénie emménage progressivement dans notre âme tandis que les cartons doucement s’amoncèlent. On revisite en pensée tout ce qu’on a quitté, si loin à présent, on se dit que la vie là-bas n’était peut-être pas si mal.
Arrive l’opportunité d’un retour de courte durée en ce lieu désormais cher à nos yeux. Rien ne semble plus pareil: on savoure la moindre parcelle sur laquelle se pose notre regard: on redécouvre. Cet endroit se pare de nouvelles facettes, de visages insoupçonnés. On est déterminé à ne plus jamais fuir. Hélas!
Le dualisme de l’Homme.
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Psychose (2010)Sat, 25 Feb 2012 13:49:00 +0100Sat, 25 Feb 2012 13:49:00 +0100http://laughingcorpse.cowblog.fr/psychose-2010-3170110.htmlLaughingCorpsehttp://laughingcorpse.cowblog.fr/images/psychose.jpg

Jour de grève à la SNCF. Trains en retard voire annulés pour la plupart. Les voyageurs à cran, exténués, affolés, courent dans tous les sens. C’est la débandade. Un peu comme ce fameux passage du Roi Lion où, sous la poussée des hyènes, le troupeau de gnous s’agite, à la suite de quoi Mufasa meurt en sauvant Simba. Bref. Je m’excuse auprès de ceux qui ne l’auraient pas vu. Revenons à notre propre troupeau. Les trains qui circulent encore sont pris d’assaut par la foule grondante, tout le monde crie, hurle, pleure de rage, se bouscule. La courtoisie et la civilité sont allées se coucher, elles aussi en grève. On pense tout haut, les mâchoires serrées à en avoir des crampes « Je dois à tout prix monter dans ce train, il le faut ! ». Je vous épargne les grossièretés quoique parfois délicieuses d’inventivité. On s’entasse les uns sur les autres, serrés comme des sardines en boite, parqués comme des bêtes qu’on mène à l’abattoir. Vue de l’extérieur par une personne absolument pas concernée par ce problème de grève, la situation est certainement comique, les sadiques doivent se fendre la poire ! Le train est bondé, les passagers, un peu soulagés d’avoir une place, ne rechignent pas trop à l’idée de voyager debout. On s’installe, on s’organise. Solidarité. Fermeture des portes. Clac ! La mécanique s’enclenche et c’est parti pour un long, très long voyage. Le bruit des rouages est infernal, ça grince, ça couine, ça tangue de partout. Voila qui promet d’être agréable. Dans une brume léthargique, mon esprit dérangé s’égare et voila que mentalement je compare ce train aux trains de la mort. Je me demande l’espace d’un instant si ce train ne va pas être détourné pour nous mener je-ne-sais-où, vers un destin qui ne présage rien de bon. Totalement absurde je l’avoue. Privilégions plutôt le côté « wagons à bestiaux ». J’aime bien cette idée. Non pas celle d’être considérée comme du bétail, mais la métaphore du train qui mène à l’abattoir ou un endroit du même type, peu importe. Et si la Terre était contrôlée par une force extérieure sans que nous le sachions ? Peut-être sommes-nous manipulés comme des pantins ! Peut-être sommes-nous destinés à périr ! Peut-être notre extermination fait-elle partie du plan d’invasion d’une puissance supérieure ! Peut-être, peut-être…

Mais au final, rien de tout cela n’est vrai, juste les résultats d’une imagination délirante. Enfin…

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Nécropole myocardique (2010)Sat, 25 Feb 2012 13:45:00 +0100Sat, 25 Feb 2012 13:45:00 +0100http://laughingcorpse.cowblog.fr/necropole-myocardique-2010-3170109.htmlLaughingCorpsehttp://laughingcorpse.cowblog.fr/images/images.jpg

Mon cœur est un funèbre cimetière, une funeste nécropole, où jamais le jour ne perce. On y accède par un gigantesque portail noir et grinçant, flanqué de part et d’autre de sinistres sculptures, aux contours rongés par les années.

Une petite fille rousse, à la peau pâle et aux yeux verts, se tient devant le portail. Elle ne porte aucune égratignure, aucune marque témoignant du long et pénible chemin qu’elle vient de parcourir, pour parvenir jusqu’ici. Sa robe blanche, lueur d’espoir au milieu des ténèbres, contraste avec la noirceur de mon cœur et semble l’illuminer. De sa frêle main, elle entrouvre le vétuste portail qui gémit. Elle s’avance dans l’allée principale puis s’interrompt. Sans ciller, elle contemple la vue qui s’offre à elle. De part et d’autre, des dizaines de pierres tombales, et parmi elles, d’impressionnants caveaux. Au centre du cimetière, une majestueuse fontaine en marbre, bordée d’arbres rachitiques, sur les branches desquels, trône un grand nombre de corbeaux. Pas un bruit ne trouble le silence, pas un souffle de vent. Rien.

La petite fille s’avance vers la rangée de tombes la plus proche. Elle tente de déchiffrer l’épitaphe inscrit sur la première, tout en laissant courir ses doigts sur la stèle glacée. A ce moment-là, quelque chose d’inattendu se produisit : la pierre tombale fut changée en un bosquet de roses rouges.

« Tiens, comme c’est curieux… »

Elle s’approcha de la tombe voisine et reproduisit les mêmes gestes. Un nouveau buisson de roses apparut. Il en alla de même pour chaque pierre tombale qu’elle toucha.

La vision mentale de toutes les inscriptions déchiffrées, depuis son entrée dans mon cimetière cardiaque, fit éclore sur son visage si neutre, une profonde tristesse. Chaque épitaphe évoquait une blessure subie par mon cœur, une remarque acerbe, un amour passé, la perte d’un être cher …

Poursuivant son chemin, elle marcha en direction des arbres et les effleura du bout des doigts. Leurs branches racornies se recouvrirent de feuilles et de beaux fruits à l’aspect alléchant. Les mausolées, quant à eux, se changèrent en statues aux courbes élégantes. Toutes représentaient des anges. Enfin, la petite fille se dirigea vers la fontaine. Lorsque sa peau entra en contact avec le marbre froid, la nécropole entière fut baignée de lumière, les ténèbres balayées. Plus la moindre petite trace du cimetière, comme s’il n’avait jamais existé. Les corbeaux s’étaient envolés, et à leur place chantonnaient des merles, des rouges-gorges… La petite fille sourit, satisfaite. Elle s’allongea sous un arbre, à l’abri des rayons du soleil et s’endormit.

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Le charme pernicieux de la Dame en rouge (2010)Sat, 25 Feb 2012 13:37:00 +0100Sat, 25 Feb 2012 13:37:00 +0100http://laughingcorpse.cowblog.fr/le-charme-pernicieux-de-la-dame-en-rouge-2010-3170106.htmlLaughingCorpsehttp://laughingcorpse.cowblog.fr/images/fascination300300x175.jpg

Et ce fut l’explosion. Quelque part dans mon nez un de mes vaisseaux venait d’éclater, pour la troisième fois depuis le début de la semaine. A cette cadence là j’allais finir par me vider complètement de mon sang avant la fin du week-end. Tout juste le temps d’atteindre le lavabo que déjà mes mains rougissaient sous le flot ininterrompu de mon fluide vital. Un bout de mouchoir pris à la volée pour absorber le tout. Ploc, ploc, ploc, ploc. La même rengaine pendant cinq bonnes minutes au moins. Toujours avec la même intensité. J’épongeais encore et encore, tentative désespérée d’enrayer cette hémorragie. Je sentais avec le sang s’écouler ma chaleur, un peu plus à chaque goutte. Très vite une effroyable migraine s’empara de ma boite crânienne. Le fluide vermeil, lui, se déversait toujours. Je languissais, valsant au rythme des ploc ploc. Peut-être pas la meilleure chose à faire. Puis enfin, Dame Coagulation fit son apparition. J’étais au bord du malaise. Je respirai profondément et levai les yeux vers le miroir. Mon visage exsangue était balayé de traînées écarlates, mes pupilles écarquillées. Quant à mes mains… On ne distinguait même plus mes ongles sous la couche de sang. Je les regardai tressaillir avec fascination, sous tous les angles. On aurait dit qu’elles étaient peintes. Le fluide avait séché et la lumière mettait en relief le moindre détail de ma peau, comme des gravures. C’était un tableau vraiment curieux. De nouveau, cette impression de partir m’arracha à ma contemplation morbide. Je nettoyai mes mains, avec une pointe de regret et me dirigeai vers le réfrigérateur. J’avais besoin de reprendre des forces.

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La Faucheuse d'Helsinki (2010 ?)Sat, 25 Feb 2012 13:30:00 +0100Sat, 25 Feb 2012 13:30:00 +0100http://laughingcorpse.cowblog.fr/la-faucheuse-d-helsinki-2010-3170104.htmlLaughingCorpsehttp://laughingcorpse.cowblog.fr/images/579405RYNHI72GA2HGRCHFFZRLRH68IOJFKWcimetirefaucheuseH125445L.jpg

Autrefois j’avais été belle. Je ne parle pas de cette beauté stéréotypée qu’on voit dans les magasines, de toutes ces femmes retapées à coups de chirurgie plastique et de retouches informatiques. Non, je parle de la beauté naturelle. Je me sentais bien dans ma peau et ça se voyait. J’attirais les regards, aussi bien masculins que féminins. Même si je ne le disais pas, cette attention me flattait. Je menais une existence paisible, jusqu’à l’année de mes vingt-et-un ans.

A cette époque, mes cheveux étaient bruns, longs et bouclés, ma peau pâle, peut-être d’une pâleur excessive. J’ai tendance à penser que ma couleur de peau fût à l’origine de ma descente aux enfers, je ne me souviens plus très bien. Cette année-là je décidai d’essayer le bronzage aux ultra-violets. Le résultat fut assez réussi, sans néanmoins me satisfaire pleinement. Je retournai plusieurs fois par mois à l’institut, jusqu’à en devenir accro. Je n’étais toujours pas comblée. J’augmentai le nombre de mes séances à une ou deux fois par semaine. Je ne me rendis pas compte de l’erreur monumentale que j’étais en train de commettre. Je voulais trouver la teinte idéale mais ça ne suffisait jamais. Je ne remarquai pas l’usure qu’avait subie ma peau. Ce n’est que progressivement que je me suis rendue compte qu’elle se déshydratait, malgré l’usage de crèmes spécifiques. Après cinq ou six ans, elle avait pris l’aspect d’un vieux parchemin, si fragile qu’il menaçait de tomber en poussière à la première inadvertance. De profonds sillons parcouraient mon corps, mes seins étaient flasques et secs, comme rongés de l’intérieur. Je n’avais plus que la peau sur les os. Mes joues étaient creuses, faisant ressortir mes pommettes et mes yeux enfoncés dans leurs orbites. Ma silhouette entière devenait squelettique. Je me détestais, pleurant sur les horreurs que j’avais infligées à mon corps. Je perdis l’appétit et ne prenais même pas la peine d’avaler les médicaments qu’on me prescrivait. Les transformations encaissées étaient irréversibles. Pourtant, je n’avais pas le courage de m’ôter la vie. Je payais le prix de mes erreurs, c’était mérité. Je décidai de me couper les cheveux à ras, afin d’éviter d’être reconnue. Je ne pus néanmoins me résigner à rester enfermée chez moi. Je poursuivis donc mes promenades quotidiennes à travers Helsinki. Je ne supportais plus la lumière du jour, c’est pourquoi je sortais toujours couverte d’un long manteau noir muni d’une capuche si profonde, que lorsqu’on regardait à l’intérieur on ne distinguait pas mon visage. Une paire de lunettes de soleil protégeait mes yeux. Les enfants de la ville m’avaient surnommée la Faucheuse et les parents n’échappaient pas à cette habitude. Aucun mot ne pouvait décrire aussi bien l’état dans lequel je me trouvais. Quelques mois après avoir fêté mes vingt-huit ans, j’appris que j’étais atteinte d’un cancer de la peau. Je n’en fus pas le moins du monde étonnée. Je continuai à errer dans les rues d’Helsinki, attendant patiemment ma fin. Même si intérieurement je souffrais, je ne désirais pas précipiter mon trépas. J’allais et venais, fantôme dans la ville, m’effaçant un peu plus chaque jour, abandonnant sur ma route des lambeaux de visage et de corps. Je disparus un beau jour dans la solitude la plus totale. Je n’avais plus la force de sortir et compris que mon heure était venue. Ainsi mourut la Faucheuse d’Helsinki.

 

Esprit aujourd’hui libéré, me voila apte à vous conter mon histoire. Je suis apparemment devenue une légende à Helsinki. Les parents racontent à leurs enfants que s’ils ne sont pas sages, je viendrai les chercher. Qu’il en soit ainsi !

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Epluchair (2011 ?)Sat, 25 Feb 2012 13:23:00 +0100Sat, 25 Feb 2012 13:23:00 +0100http://laughingcorpse.cowblog.fr/epluchair-2011-3170101.htmlLaughingCorpsehttp://laughingcorpse.cowblog.fr/images/cytosquelette1.jpg

Je me taille et m’entaille, m’écorche et me dépèce, aux prises avec cette prison de chair qui résonne comme un étau. Je me démène, tandis que le torrent glacial de mes pensées petit à petit m’asphyxie et me noie. Flux après flux, je coule, submergée, dans les profondeurs abyssales de mes peurs les plus secrètes. La lumière n’est déjà plus qu’un lointain souvenir. A mesure que je m’enfonce, mon enveloppe épidermique se détache, aussi légère qu’une plume, mon corps se met à nu. La caresse de l’eau sur ma chair à vif ne me suffit toujours pas…

De mes griffes acérées je détache par morceaux des blocs de muscles, de nerfs, de tendons. Mes os apparents se font lucioles dans cette obscure et irrémédiable déchéance. Mes organes s’éparpillent autour de moi et nous valsons, emportés dans une grotesque farandole. Le rythme, dans cet infini voyage nous entraîne, plus profondément encore. Puis arrive l’heure des au revoir, et chacun s’engage sur le sentier de sa propre destinée. La mienne n’a pas d’issue. Je ne suis plus qu’une carcasse luminescente dont les os se heurtent avec fracas contre les rochers qui daignent croiser leur chemin. Je sens les fêlures dans mon ossature, je sens les fêlures dans mon âme. Je viens de perdre mon tibia gauche. Mon cœur, déterminé, avec vigueur se cramponne au peu de vie qu’il lui reste, qu’il nous reste. Imbécile… Ne réalises-tu pas que tu vas crever, que tu t’échines en vain ! Non, bien sûr que non… Mu par l’infatigable credo qui prétend que l’espoir qui fait vivre tu tiens tête. Stupide tas de chair… Mon cerveau, nécrosé et éteint depuis un moment déjà, ballotte lourdement dans ma boite crânienne. Me ruant sur un bloc de pierre situé à ma droite, je me fracasse la tête. Voila qui est mieux ! Ma chute se poursuit toujours.

Toujours… Toujours.


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