LaughingCorpse

Méandres

Samedi 25 février 2012 à 14:00

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Le syndrome de la page blanche.: affection redoutée de tous. Ecrivains , journalistes et j’en passe. Je pensais que jamais cela ne pourrait m’atteindre, et pourtant… Me voici face à ma feuille, le stylo à la main, mais voila: comme depuis des mois maintenant, plus rien ne se passe, et je sens l’inquiétude m’envahir chaque fois un peu plus. Les idées ne manquent pas cependant. Les mots en revanche... Je ne parviens plus à coucher sur papier mes sentiments les plus dérisoires, mes pensées les plus sommaires. Tout ce qui se libère de ma plume ne vaut rien, un ramassis d’absurdités bonnes à jeter.

Je finis par faire des boulettes de ces phrases sans queue ni tête et me retrouve à nouveau nez à nez avec cette page blanche. L’angoisse s’est maintenant installée et nul ne pourra la déloger. Des images virevoltent dans mon cerveau, tout est flou. Je tente d’en extraire une au hasard, de la doter d’une forme mais mon esprit se projette ailleurs. La feuille demeure éternellement blanche. Je commence à douter de moi, de mes capacités d‘auteur. Peut-être ne suis-je pas à la hauteur, peut-être n’ai-je aucun talent.

Et cette foutue page vierge qui me nargue! Plus je l’observe et plus j’ai peur, peur de ce vide, peur de ne plus pouvoir m‘exprimer. Je pense à tous ces fragments de conscience, inachevés, qui attendent sagement dans un coin d’être terminés. L’inspiration ne vient plus et les feuillets s’amoncellent jusqu’à, pour certains, sombrer dans l’oubli. Je n’y arrive plus…

J’entends des voix qui ricanent et qui, d’un ton narquois, scandent inlassablement : «  la page est vide, la page est vide! » Je les somme de se taire et me bouche les oreilles, mais elles poursuivent leur infernale litanie, de plus en plus vite, de plus en plus fort. Je quitte la pièce mais rien n’y fait. Le son semble comme amplifié. Leur chant résonne dans ma tête encore et encore. Je me frappe le crâne contre les murs, en vain. Je vais devenir fou. Etre les témoins de ma déchéance semble redoubler leur excitation. Je me mutile le visage et le torse dans un élan de désespoir, arrache rageusement mes vêtements. Puis soudain je m’effondre, à demi nu et éclate en sanglots. Les voix persistent dans leur rengaine. Je les conjure de me laisser en paix mais elles semblent ne rien vouloir entendre. Je craque. Me redressant d’un bond, j’ouvre la fenêtre et m’élance dans le vide. Les étages défilent, les voix jusqu’à la fin m’accompagnent. Je souris, je n’ai plus peur. Tout sera bientôt terminé. La page blanche, emportée par un courant d’air, tournoie à mes côtés. Rouge.

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Samedi 25 février 2012 à 13:56

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Partir. Au fur et à mesure que les jours se fanent, ce besoin d’évasion se fait plus ardent. On patiente, on rêve, attente, espérance. Partir. On brûle de vagabonder, de s’évader du cocon familial qui nous musèle, de déserter cette ville minuscule dont on connait chaque recoin, cette existence grisâtre dont on n’attend plus rien. On a soif d’indépendance, de liberté, d’immensité; soif de la vision d’un nouvel horizon le matin, quand on ouvre les volets. Partir. Enfin l’opportunité se manifeste. La joie n’est cependant que de courte durée. Notre conscience se retrouve confrontée à des conséquences qu’elle avait jusque là occultées. Les répercussions d’un départ apparaissent à nos yeux, encore emplis , un peu plus tôt, de candides rêveries; la lumière se fait dans notre esprit. Partir, c’est se séparer de ses amis, renoncer à la sécurité d’un monde qu’on possédait , d’une certaine façon, pour s’abandonner à l’inconnu. La panique et les incertitudes nous assaillent, notre sommeil se fait de plus en plus tourmenté à mesure que la date fatidique dangereusement s’approche. On enterre la belle idée de voyage, les grands espaces peuvent bien attendre après tout. On implore, on supplie, n’importe qui, n’importe quoi, on ne rêve que de l’échec du départ impatiemment espéré. Mais la fatalité , ou que sais-je encore, en a décidé autrement. Nous voila trimant sur l’asphalte, diamétralement terrifiés, les entrailles douloureusement contractées par l’angoisse, et autres sensations du même acabit. Les kilomètres défilent, l’inconnu qu’on avait tant imaginé peu à peu se dessine. On y jette un oeil, toutefois dans nos yeux ne scintille plus cette étincelle de fascination curieuse qui, quelques mois auparavant, nous habitait. Cette nouvelle réalité nous semble morne et sans attrait, bien au contraire les déceptions s’enchainent. La neurasthénie emménage progressivement dans notre âme tandis que les cartons doucement s’amoncèlent. On revisite en pensée tout ce qu’on a quitté, si loin à présent, on se dit que la vie là-bas n’était peut-être pas si mal.
Arrive l’opportunité d’un retour de courte durée en ce lieu désormais cher à nos yeux. Rien ne semble plus pareil: on savoure la moindre parcelle sur laquelle se pose notre regard: on redécouvre. Cet endroit se pare de nouvelles facettes, de visages insoupçonnés. On est déterminé à ne plus jamais fuir. Hélas!
Le dualisme de l’Homme.
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Samedi 25 février 2012 à 13:49

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Jour de grève à la SNCF. Trains en retard voire annulés pour la plupart. Les voyageurs à cran, exténués, affolés, courent dans tous les sens. C’est la débandade. Un peu comme ce fameux passage du Roi Lion où, sous la poussée des hyènes, le troupeau de gnous s’agite, à la suite de quoi Mufasa meurt en sauvant Simba. Bref. Je m’excuse auprès de ceux qui ne l’auraient pas vu. Revenons à notre propre troupeau. Les trains qui circulent encore sont pris d’assaut par la foule grondante, tout le monde crie, hurle, pleure de rage, se bouscule. La courtoisie et la civilité sont allées se coucher, elles aussi en grève. On pense tout haut, les mâchoires serrées à en avoir des crampes « Je dois à tout prix monter dans ce train, il le faut ! ». Je vous épargne les grossièretés quoique parfois délicieuses d’inventivité. On s’entasse les uns sur les autres, serrés comme des sardines en boite, parqués comme des bêtes qu’on mène à l’abattoir. Vue de l’extérieur par une personne absolument pas concernée par ce problème de grève, la situation est certainement comique, les sadiques doivent se fendre la poire ! Le train est bondé, les passagers, un peu soulagés d’avoir une place, ne rechignent pas trop à l’idée de voyager debout. On s’installe, on s’organise. Solidarité. Fermeture des portes. Clac ! La mécanique s’enclenche et c’est parti pour un long, très long voyage. Le bruit des rouages est infernal, ça grince, ça couine, ça tangue de partout. Voila qui promet d’être agréable. Dans une brume léthargique, mon esprit dérangé s’égare et voila que mentalement je compare ce train aux trains de la mort. Je me demande l’espace d’un instant si ce train ne va pas être détourné pour nous mener je-ne-sais-où, vers un destin qui ne présage rien de bon. Totalement absurde je l’avoue. Privilégions plutôt le côté « wagons à bestiaux ». J’aime bien cette idée. Non pas celle d’être considérée comme du bétail, mais la métaphore du train qui mène à l’abattoir ou un endroit du même type, peu importe. Et si la Terre était contrôlée par une force extérieure sans que nous le sachions ? Peut-être sommes-nous manipulés comme des pantins ! Peut-être sommes-nous destinés à périr ! Peut-être notre extermination fait-elle partie du plan d’invasion d’une puissance supérieure ! Peut-être, peut-être…

Mais au final, rien de tout cela n’est vrai, juste les résultats d’une imagination délirante. Enfin…

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Samedi 25 février 2012 à 13:45

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Mon cœur est un funèbre cimetière, une funeste nécropole, où jamais le jour ne perce. On y accède par un gigantesque portail noir et grinçant, flanqué de part et d’autre de sinistres sculptures, aux contours rongés par les années.

Une petite fille rousse, à la peau pâle et aux yeux verts, se tient devant le portail. Elle ne porte aucune égratignure, aucune marque témoignant du long et pénible chemin qu’elle vient de parcourir, pour parvenir jusqu’ici. Sa robe blanche, lueur d’espoir au milieu des ténèbres, contraste avec la noirceur de mon cœur et semble l’illuminer. De sa frêle main, elle entrouvre le vétuste portail qui gémit. Elle s’avance dans l’allée principale puis s’interrompt. Sans ciller, elle contemple la vue qui s’offre à elle. De part et d’autre, des dizaines de pierres tombales, et parmi elles, d’impressionnants caveaux. Au centre du cimetière, une majestueuse fontaine en marbre, bordée d’arbres rachitiques, sur les branches desquels, trône un grand nombre de corbeaux. Pas un bruit ne trouble le silence, pas un souffle de vent. Rien.

La petite fille s’avance vers la rangée de tombes la plus proche. Elle tente de déchiffrer l’épitaphe inscrit sur la première, tout en laissant courir ses doigts sur la stèle glacée. A ce moment-là, quelque chose d’inattendu se produisit : la pierre tombale fut changée en un bosquet de roses rouges.

« Tiens, comme c’est curieux… »

Elle s’approcha de la tombe voisine et reproduisit les mêmes gestes. Un nouveau buisson de roses apparut. Il en alla de même pour chaque pierre tombale qu’elle toucha.

La vision mentale de toutes les inscriptions déchiffrées, depuis son entrée dans mon cimetière cardiaque, fit éclore sur son visage si neutre, une profonde tristesse. Chaque épitaphe évoquait une blessure subie par mon cœur, une remarque acerbe, un amour passé, la perte d’un être cher …

Poursuivant son chemin, elle marcha en direction des arbres et les effleura du bout des doigts. Leurs branches racornies se recouvrirent de feuilles et de beaux fruits à l’aspect alléchant. Les mausolées, quant à eux, se changèrent en statues aux courbes élégantes. Toutes représentaient des anges. Enfin, la petite fille se dirigea vers la fontaine. Lorsque sa peau entra en contact avec le marbre froid, la nécropole entière fut baignée de lumière, les ténèbres balayées. Plus la moindre petite trace du cimetière, comme s’il n’avait jamais existé. Les corbeaux s’étaient envolés, et à leur place chantonnaient des merles, des rouges-gorges… La petite fille sourit, satisfaite. Elle s’allongea sous un arbre, à l’abri des rayons du soleil et s’endormit.

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Samedi 25 février 2012 à 13:37

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Et ce fut l’explosion. Quelque part dans mon nez un de mes vaisseaux venait d’éclater, pour la troisième fois depuis le début de la semaine. A cette cadence là j’allais finir par me vider complètement de mon sang avant la fin du week-end. Tout juste le temps d’atteindre le lavabo que déjà mes mains rougissaient sous le flot ininterrompu de mon fluide vital. Un bout de mouchoir pris à la volée pour absorber le tout. Ploc, ploc, ploc, ploc. La même rengaine pendant cinq bonnes minutes au moins. Toujours avec la même intensité. J’épongeais encore et encore, tentative désespérée d’enrayer cette hémorragie. Je sentais avec le sang s’écouler ma chaleur, un peu plus à chaque goutte. Très vite une effroyable migraine s’empara de ma boite crânienne. Le fluide vermeil, lui, se déversait toujours. Je languissais, valsant au rythme des ploc ploc. Peut-être pas la meilleure chose à faire. Puis enfin, Dame Coagulation fit son apparition. J’étais au bord du malaise. Je respirai profondément et levai les yeux vers le miroir. Mon visage exsangue était balayé de traînées écarlates, mes pupilles écarquillées. Quant à mes mains… On ne distinguait même plus mes ongles sous la couche de sang. Je les regardai tressaillir avec fascination, sous tous les angles. On aurait dit qu’elles étaient peintes. Le fluide avait séché et la lumière mettait en relief le moindre détail de ma peau, comme des gravures. C’était un tableau vraiment curieux. De nouveau, cette impression de partir m’arracha à ma contemplation morbide. Je nettoyai mes mains, avec une pointe de regret et me dirigeai vers le réfrigérateur. J’avais besoin de reprendre des forces.

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